Tu es reconnu comme l’un des précurseurs de la chanson enfantine…
Je ne me sens pas précurseur. Je me suis engouffré dans un sillage ouvert depuis quelques années par P.G. AMIOT, William LEMIT, Suzanne FRANCOIS, Francine COCKENPOT et bien d’autres.
Que chantaient les enfants avant 1960 ?
On perpétuait le répertoire de DALCROZE, de BOVET (Le vieux chalet), de Maurice BOUCHOR...qui voisinaient avec les classiques et les chants traditionnels (Entre le bœuf et I’âne gris...Noël nouvelet). A l’école, régulièrement, comme pour les poésies, des classiques sélectionnés par la Radio Scolaire (Jean RUAULT) et proposés par la radio et les supports audio (45T/17cm). Et puis les enfants étaient déjà sollicités par les "chanteurs enfants" (Petits Chanteurs à la Croix de Bois) et les petits "prodiges" propulsés par Jean NOHAIN à la télé.
Comment passe-t-on d’instituteur à artiste pour enfants ?
La chance de rencontres exceptionnelles à partir de mon métier d’enseignant à Versailles. La grande "camaraderie" de cette époque m’a permis une formation rapide et très diversifiée dès 1954. J’ai été "happé" par les groupes folkloriques de la Région Parisienne, les chorales et les groupes de danses d’à peu près tout l’hexagone !
Je n’ai été vraiment "chanteur" que bien plus tard (en 1970 !). Mon piano était dans ma classe. Mes élèves de CM1/CM2 (des garçons) étaient fils de militaires ou de gardes-mobiles. Époque merveilleuse quand je disposais de l’aide des musiciens du 5ème RI (tous profs au conservatoire !). Avec mes élèves, nous écrivions des textes collectifs dans lesquels nous piquions quelques phrases qui étaient d’abord chantées sur des motifs extraits de chansons allemandes (pour la plupart) traditionnelles ou classiques, genre Alle Vögel sind schon da ou bien Le tilleul , lied de SCHUBERT. C’est dans la solitude, qu’à d’autres moments, j’inventais d’autres mélodies d’où sortirent mes premiers "lieder" Caravelles, le Mois d’Avril entendus en priorité par mon directeur et ami Charles GARDETTE. Ma première chanson ne fut éditée qu’en avril 1959. Peu après, les amis, Monique BERMOND, Gérard HERZOG, avec lesquels je travaillais à la radio pour l’émission Partons à la Découverte, firent enregistrer la chanson comme générique de l’émission. Par ailleurs, deux 45T/17cm de Serge KERVAL comptaient Où s’en va, Brouillard, Les histoires du temps passé, Feu de bois, Le mois d’avril, Cache-Cache. Je menais de front l’enseignement (jusqu’en 1964) et les activités d’instructeur de danses populaires et d’activités musicales.
C’est pendant un stage de danses populaires dans le Berry en été 1960 que l’on me proposa de participer à l’encadrement des enfants qui tournaient La Guerre des Boutons avec Yves ROBERT dans la région de Rambouillet.
Et tout bascula !
Comment s’est organisée ta carrière ?
Yves Robert, qui avait fait chanter Caravelles aux enfants du film La Guerre des Boutons, m’a adressé à son ami le chanteur populaire Francis LEMARQUE. Ce fut une grande et longue amitié et j’en fus transformé définitivement. On était en 1962 et j’étais souvent dans les cabarets du quartier Mouffetard ; on y entendait Bobby LAPOINTE, Anne SYLVESTRE, Ricet BARRIER et bien d‘autres... C’était une bonne école !
Bref, il fallait prendre des distances avec certains inspecteurs.
Impulsivement, j’ai donné ma démission et j’ai connu alors la vraie condition du saltimbanque privé de sécurité sociale mais riche en projets. Mes chansons avaient conquis les Éclaireurs de France, l’UFCV, la télé.
En 68, j’étais très actif dans les Centres UCPA (mer, montagne) dans le cadre des rencontres "Connaissance de la France" avec des jeunes français et des étrangers. C’est dans ces ambiances que j’ai commencé la longue collection "Chants et Rythmes" qui a donné Noël de France, puis Vous connaissez le chemin et en 1970 Boris et Natacha. La chanson L’enfant et la fleur marqua franchement mon engagement "nature" et suivait de peu La flûte indienne...
Feu de bois. Boris et Natacha. Caravelles . J’ai un gros nez rouge et tant d’autres. Que de succès ! Comment expliques-tu cette reconnaissance ?
Sur les 400 chansons environ, la plupart collaient à l’actualité. J’ai eu, de plus, la chance de côtoyer beaucoup de talents. Ils m’ont permis d’avoir cette forme de romantisme qui a fait le succès de ces chansons emblématiques.
Feu de Bois répondait à un besoin dans les colonies de vacances. Boris et Natacha est apparu pendant l’époque kazatchok. Ces chansons ont touché les enseignants, les animateurs et les enfants car elles avaient la même couleur que les chansons de variété d’alors (celles de Hugues AUFFRAY, entre autres).
En quoi consiste ton activité aujourd’hui ? Et quels sont tes projets ?
Mes projets pour cette année sont modestes et ambitieux. Fin mai 2000 : une tournée en Lozère sous l’égide de l’Inspection Académique de la Lozère, avec mon ami CPEM Henri MOUYSSET. Créations de chansons sur des thèmes de Jean NATY-BOYER, concerts avec des enfants chanteurs et instrumentistes des écoles. Et des Petits Bals chantants. Le thème de cette longue fête est "Pays et paysages. C’est passionnant.
Pas de projets de disques nouveaux, mais pourquoi pas ? Par contre, je participe avec plaisir à des éditions de qualité (livres de lecture Hachette, Istra, Bayard, Hatier, Nathan, et d’autres partenaires ADDIM, OCCE Calvados et... Farandole) en donnant des autorisations de reproduction d’oeuvres.
Merci, Jean.
Entretien avec Bruno PARMENTIER-BERNAGE pour la revue pédagogique musicale Farandole - Association Arpèges